“Plus le discours du pharmacien est clair, plus ses patients adhéreront au traitement”

Concours éloquence 2022

Rencontre avec les deux finalistes du dernier Concours d’éloquence des étudiants en pharmacie, dont OCP était le partenaire pour la troisième année, organisé dans le cadre des dernières Rencontres de l’officine.

Le gagnant : Julien Bitar, 27 ans, en sixième année de pharmacie à Nancy

OCP.fr : Pourquoi vous être inscrit au Concours d’éloquence ?

Julien Bitar : C’est pour ainsi dire l’histoire d’une vie ! Tout a commencé il y a trois ans, lors de mon stage à l’hôpital de Thionville. Mon maître de stage est tombé sur l’annonce du premier Concours d’éloquence et m’a dit ‘toi qui aime parler tout le temps, ça pourrait te plaire !’.

Comme il s’agissait de la première édition, je me suis dit qu’il y avait moyen d’être libre de faire quelque chose de drôle, à ma sauce. »

OCP.fr : Qu’avez-vous fait ?

J.B. : La pré-sélection consistait à faire une vidéo, sur la thématique du viagra. J’ai choisi quelque chose d’un peu extrême -j’étais nu !- tout en étant travaillé, pas juste du burlesque. Ça a marché car j’ai été retenu pour les demi-finales. J’ai d’ailleurs participé aux trois concours et, à chaque fois, je me suis qualifié au moins pour les demi-finales, pour une finale cette année.

J’observe que d’une année sur l’autre, je suis de plus en plus habillé sur mes vidéos : nu la première, en chemise débraillée la deuxième et en chemise la troisième ! Signe que j’ai gagné en pudeur et en responsabilité…

OCP.fr : Comment s’est passé la finale, le jour J ?

J.B. : C’était royal ! On nous aurait presque déroulé le tapis rouge sous les pieds, avec le jury qui nous attendait. C’était un cadre idyllique, un moment que j’espérais depuis des semaines. Je rêvais d’y être, même si je n’ai pas eu trop le temps de me préparer -j’avais mon oral de fin de sixième année à préparer d’abord-.

Même si le jour J j’étais en plein rêve, j’ai eu beaucoup plus le trac que ce que j’imaginais ! Je n’arrivais plus à tenir mes feuilles ! Mais c’était une journée incroyable, surtout au moment de soulever la coupe. Une sorte de consécration. Peut-être le meilleur moment de ma vie et sans doute le trophée le plus important de mes études.

OCP.fr : C’est utile, l’éloquence, pour un pharmacien ?

J.B. : C’est peut-être même sa compétence principale. Plus son discours est clair, plus ses patients adhéreront à un traitement et moins ils souffriront d’effets indésirables. Un patient qui comprend son traitement et le suivi de son protocole de soins est déjà soigné à 80%.

J’aime d’ailleurs beaucoup la phrase « on soigne les maux par les mots ». Pas mal de patients n’ont pas besoin de médicaments, mais juste de discuter avec des gens qui leur donneront la réplique. Maintenant, il y a une différence entre le concours et le comptoir. Au concours, j’étais très bavard car dans le bla-bla et l’émotion. Au comptoir c’est différent, je suis plus posé, j’utilise moins de mots pour plus d’idées. Il ne faut pas de bla-bla au comptoir. Le patient s’en rend compte et nous coupe la parole. C’est une vraie discipline dans laquelle je suis content de dire que j’ai un petit niveau.

OCP.fr : Quelle est la recette pour gagner un concours d’éloquence ?

J.B. : Si je le savais ! Il faut savoir que je ne suis pas un lecteur. J’ai du livre deux livres dans ma vie, au maximum. J’ai passé plus de temps sur les jeux vidéo ! Ce qui m’a beaucoup aidé, c’est l’humour. J’ai toujours cherché à faire rire. Je n’ai jamais été un élève super studieux, super sage. J’étais même assez turbulent en cours, très bavard, pourtant les profs m’aimaient bien, surement parce que j’essayais de les faire rire.

La recette, c’est peut-être alors d’avoir un discours sincère et de l’emballer dans une espèce d’écrin d’humour. Pas besoin de beaucoup de vocabulaire. Des rimes et des rebonds sur l’actualité peuvent suffire. Ma définition de l’éloquence serait de dire que c’est « parler vrai et parler drôle ».

OCP.fr : Quelque chose vous a-t-il servi d’inspiration(s) ?

J.B. : Le rap m’a beaucoup aidé, le slam en particulier. Grand Corps Malade est mon artiste préféré, un génie, le meilleur parolier. Je m’en suis inspiré avec mes textes qui sont parlés et un peu chantés.

J’ai cherché à obtenir une musicalité, comme pour du slam. Les organisateurs du concours m’ont d’ailleurs dit à la fin de mon speech qu’ils avaient assisté « à la démonstration d’un texte exceptionnel qui pourrait se rapporter à du slam. On va t’appeler Grand Corps Malade ». J’étais heureux car ça signifiait que j’avais réussi mon texte.

OCP.fr : La suite, pour vous ?

J.B. : J’attends de passer mon examen oral de fin de sixième année en septembre. Ensuite, direction l’officine, chez moi à Verdun, avec pour objectif d’en racheter une, un jour.

OCP.fr : Envisagez-vous de retenter le concours d’éloquence ?

J.B. : Sur ce point, j’ai plusieurs idées. Pourquoi ne pas collaborer avec les organisateurs du concours, peut-être remettre mon titre en jeu l’an prochain pour doubler la mise et essayer d’attirer plus d’étudiants, avec une campagne de communication forte. Ce concours doit prendre de l’ampleur. 

J’ai appris grâce à ce concours mais j’ai encore énormément à apprendre. J’ai envie d’écrire, de parler, pourquoi pas faire de la politique, être élu étudiant ou défendre plus tard les intérêts des pharmaciens… Si on se tait tout le temps et qu’on accepte le monde tel qu’il vient, on est mal barrés…

La finaliste : Laïla El Akrouti, 22 ans, étudiante en troisième année à Tours

OCP.fr : Comment s’est décidée votre participation au concours d’éloquence ?

Laïla El Akrouti : J’ai appris l’existence du concours l’an dernier sur Facebook en découvrant la rediffusion des vidéos de pré-sélection de l’année précédente dont celle d’un participant de Tours (en l’occurrence Numan Bahroun, devenu depuis président de l’Anepf, ndlr). On était en période de Covid, avec les confinements, et je ne me voyais pas, dans ce contexte, mettre des vidéos de moi sur les réseaux sociaux et demander à des gens que je connaissais peu de voter pour moi ! J’ai laissé tomber mais on en a quand même parlé avec ma marraine -alors en quatrième année-.

C’est elle qui m’en a reparlé cette année quand les inscriptions ont été ouvertes pour le concours 2022 et, cette fois, je me suis lancée. J’ai écrit ma vidéo en 30 minutes, je l’ai filmée et envoyée un peu au dernier moment, avec seulement trois ou quatre jours pour obtenir des votes… Finalement tout le monde m’a soutenue, je ne pensais pas avoir autant de retours positifs !

OCP.fr : Comment s’est passée la finale ?

L.E.A : Un mélange de stress et d’excitation au moment de mon arrivée. J’étais quoiqu’il en soit très contente et honorée d’être là. Nous avons discuté avec les autres candidats, un feeling est passé, ce qui m’a détendue. Je suis ensuite entrée dans une sorte de bulle une fois dans le concours.

Pour la demi-finale, je suis passée en quatrième sur cinq, le délibéré a été rapide. Tout est passé très vite ! Je n’ai pas eu le temps de réaliser qu’on a enchaîné avec la finale. Julien (Bitar, le futur vainqueur, ndlr) et moi savions que nous allions traiter le même sujet, « Le pharmacien, un épicier qui joue au golf ? » mais d’un point de vue différent à défendre, pour ou contre. 

J’ai tiré « contre », ce qui m’a déçue car je préférais mon argumentaire « pour » -chacun des cinq demi-finalistes connaissait les sujets potentiels à l’avance et avait pu préparer un texte pour chaque possibilité-.

Julien a fait un remix de la Marseillaise. Quand il est passé, je ne pensais même pas au fait que j’allais moi-même passer après lui. J’étais comme un membre du public en train d’écouter et d’admirer. Je me disais bien que ça allait être dur de passer derrière ! A l’arrivée, je suis contente de ma performance mais le challenge n’est pas complètement relevé.

OCP.fr : C’est important, l’éloquence, pour un pharmacien ?

L.E.A : C’est important pour tout le monde. Personnellement, je ne suis pas arrivée là par hasard puisque je suis adhérente de l’association Tours éloquence, à la fac de Droit de Tours, l’une des premières à laquelle j’ai adhéré après avoir été prise en pharma.

On m’a plusieurs fois demandé pourquoi j’y allais, que c’était surtout utile à ceux qui voulaient devenir avocats. Grâce à cette association, j’arrive à être plus à l’aise quand je m’exprime en public. C’était vraiment quelque chose que je voulais travailler, car dans tous les métiers où on a un pouvoir décisionnaire, où on doit gérer une équipe, on doit être capable de bien s’exprimer et de se faire comprendre.

En filière officine, que l’on soit titulaire ou adjoint, on travaille en équipe, on doit être capable de bien faire passer les informations. Pareil dans l’industrie. On ne devrait pas sous-estimer le pouvoir des mots. Il y a des manières de transmettre les choses et quelqu’un d’éloquent, qui a du charisme, on le retient plus que les autres.

OCP.fr : Quelles sont les qualités pour arriver -au moins !- en finale d’un concours d’éloquence ?

L.E.A : C’est d’abord de bien coller au sujet, d’avoir un raisonnement structuré, sans tomber dans la dissertation. Il faut réussir à établir un lien avec l’auditoire, lui faire comprendre que c’est à lui qu’on s’adresse, parvenir à ce qu’il nous suive sans qu’on le lui demande. Cela passe par de la gestuelle, des regards, un ton qui ne doit pas être monotone…

Nous avons tous notre identité, il ne faut pas hésiter à la montrer.

OCP.fr : La suite, pour vous ?

L.E.A : Je vais bientôt commencer mon stage dans l’audit et le conseil, à Tours. C’est un monde que je vais un peu découvrir ! Ensuite, je me dirige plutôt vers la filière industrielle, celle qui m’intéresse le plus.

OCP.fr : Vous reverra-t-on au concours d’éloquence l’an prochain ?

L.E.A : Bonne question ! Peut-être ! Il faut que je redescende encore un peu de mes émotions mais je pense ne pas en avoir fini avec l’éloquence…

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